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Newsletter 7 – Octobre 2012 – Droit civil

Payer vaut réception tacite

La réception d’un ouvrage fait courir les délais de garantie et en particulier la garantie décennale.

La réception est normalement prononcée par le biais d’un PV dit de réception avec ou sans réserve.

Une hypothèse assez peu connue est la réception dite judiciaire qui est sollicitée devant un Tribunal en l’absence d’accord amiable.

Mais une réception peut être très souvent tacite en raison de la prise de possession des lieux et ou du paiement des travaux.

La notion de réception tacite fait l’objet d’une jurisprudence très nourrie.

La prise de possession seule peut dans certains cas valoir réception tacite.

Il peut en être de même du paiement des travaux sans réserve.

Il n’y a pas de doute sur le fait que la combinaison des deux, à savoir la prise de possession et le règlement des travaux sans réserve valent réception tacite.

« Attendu qu’ayant relevé qu’en l’absence de contestation sur le règlement des travaux, il convenait de constater que les maîtres de l’ouvrage avaient réceptionné tacitement l’ouvrage lors de la prise de possession du début juillet 1997, la COUR d’APPEL, qui a statué par des motifs qui suffisent à établir qu’une réception contradictoire était intervenue moins de 10 ans avant l’introduction de la 1ère demande en justice, a légalement justifié sa décision ».

3Eme CHAMBRE CIVILE COUR DE CASSATION 23 MAI 2012 N° 11-10502.

Doit-on automatiquement en déduire que la réception est la meilleure des protections pour le maître de l’ouvrage ? Pas obligatoirement.

Les travaux non réceptionnés sont soumis à la responsabilité contractuelle classique et en particulier à l’obligation de délivrance.

Tout est en pratique une question de solvabilité de l’entrepreneur.

Le droit à l'image et les danses brésiliennes

Le diable est souvent dans les détails.

Un morceau de sucre de marque « BEGHIN SAY » a donné lieu à un débat amusant à l’occasion d’une campagne commerciale sur le thème de « l’année du Brésil ».

De manière assez peu originale, la marque avait choisi d’emballer les morceaux de sucre avec la représentation d’une troupe de danse.

Un membre de cette troupe de danse a agi en indemnisation pour atteinte portée à son droit à l’image n’ayant pas donné son accord pour figurer sur l’emballage du morceau de sucre.

La condamnation aurait été automatique si la COUR d’APPEL ne s’était pas livrée à une étude… millimétrique faisant apparaître que le visage litigieux avait sur l’emballage une taille de 3 mm de hauteur pour 2 de large de telle manière que le danseur représenté était difficile à identifier !

La COUR DE CASSATION a confirmé qu’il n’y avait pas dans le cas précis d’atteinte à l’image ni d’atteinte au droit à l’image qui suppose que la personne puisse être identifiée.

Le droit reste rationnel même à l’occasion de danses brésiliennes.

1ERE CHAMBRE CIVILE COUR DE CASSATION 5 AVRIL 2012 N° 11-15328.

La sécurité sociale a le droit à une double indémnité

Le régime maladie bénéficie depuis l’ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 avec une codification à l’article L.376-1 du code de la sécurité sociale d’un régime particulier.

Lorsque la CAISSE d’ASSURANCES MALADIE recouvre des prestations par exemple à la suite d’un accident de la circulation, elle peut solliciter une indemnité forfaitaire à la charge du responsable.

Ceci peut représenter la somme pas tout-à-fait négligeable de 941 €.

S’est posé la question de savoir si cette indemnité forfaitaire de gestion pouvait être cumulée avec les frais irrépétibles demandés devant une juridiction en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

La COUR DE CASSATION a estimé que l’indemnité forfaitaire de gestion avait des finalités plus larges que les frais irrépétibles (frais et honoraires de gestion d’un dossier devant une juridiction) et accepte le cumul d’indemnités.

2ème CHAMBRE CIVILE COUR DE CASSATION 12 AVRIL 2012 N° 11-12808

L’architecte a une obligation de conseil quand il recommande une entreprise

Comme tous les professionnels, l’architecte a une obligation de conseil pour toutes les compétences liées à son Art.

Lorsqu’il recommande à son client une entreprise, il peut également engager sa responsabilité lorsque le choix n’est pas pertinent.

Ceci a été en particulier jugé pour une entreprise non assurée et par ailleurs en difficulté financière.

La moindre des choses est effectivement de vérifier si l’entreprise est assurée.

Pour la question des difficultés financières, cela peut prêter à discussion notamment dans la mesure où l’architecte n’aura pas toujours les moyens de disposer des éléments d’appréciation.

3EME CHAMBRE CIVILE COUR DE CASSATION 11 AVRIL 2012 N° 10-28325.

En matière de saisie-immobilière, après l'heure, c'est fini

La procédure de saisie immobilière démarre par un commandement de saisie immobilière délivré sur la base d’un titre exécutoire par le créancier.

Dans le délai maximum de deux mois à compter de la publication à la conservation des hypothèques du commandement, le créancier doit saisir le Juge de l’Orientation.

A l’audience d’orientation, seront examinées les possibilités de vente amiable ou au contraire de fixation à l’audience d’adjudication.

C’est à la date de l’audience d’orientation que sont examinées les éventuelles contestations.

Cet examen doit intervenir à l’heure dite, pas avant, pas plus tard.

Un moyen de procédure ou une nullité de fond ne peuvent plus être soulevés après l’audience d’orientation au stade par exemple de l’audience d’adjudication.

Cette règle dite de concentration du débat judiciaire vaut également vis-à-vis de la COUR d’APPEL.

Si un moyen n’a pas été soulevé devant le Juge de l’Orientation, il ne peut pas être soulevé pour la 1ère fois devant la COUR.

C’est une application de l’article 6 du décret du 27 juillet 2006 qui a réformé la procédure de saisie immobilière.

La COUR DE CASSATION veille soigneusement au respect de cette exigence dite de concentration des contestations qui devient progressivement en principe général de procédure.

2EME CHAMBRE CIVILE COUR DE CASSATION 9 JUIN 2011 N° 10-30310.

Le remboursement d'un prêt par l'assureur d'un époux n'ouvre pas droit à récompense

Les débats financiers sont fréquents dans la vie des couples.

Ils le sont encore plus fréquemment lors des séparations.

La situation la plus classique voit dans le cadre d’un régime matrimonial de communauté l’un des deux époux soutenir que la communauté a droit à récompense lorsqu’elle a financé la construction d’une maison sur un terrain propre de l’autre époux.

C’est le cas lorsque les prêts ont été contractés et remboursés par la communauté.

Que se passe-t-il lorsque les prêts ne sont pas remboursés par la communauté mais par l’assureur de l’un des époux dans le cadre d’une assurance dite invalidité ?

L’époux commun en biens considère que l’autre époux titulaire du terrain en propre s’est enrichi.

L’époux titulaire des droits en propre considère que l’autre époux n’a pas participé à l’augmentation de valeur du patrimoine par son travail, par ses diligences, par son activité ménagère…

Dans un tel cas, la COUR DE CASSATION écarte la notion de récompense.

Elle considère que l’enrichissement de l’époux en propre suppose un appauvrissement en parallèle de la communauté.

Lorsque la communauté ne s’est pas appauvrie pour financer les biens propres, il n’y a pas lieu à récompense.

1ERE CHAMBRE CIVILE COUR DE CASSATION 12 AVRIL 2012 N° 11-14653.

Le préjudice d'établissement éxiste

Le droit de l’indemnisation connaît l’incapacité permanente dite aujourd’hui déficit fonctionnel permanent.

Il connaît également des préjudices dits personnels comme le préjudice esthétique, le pretium doloris, le préjudice sexuel, le préjudice d’agrément.

S’est posée en jurisprudence la question de savoir si ouvre droit à indemnisation la perte d’espoir ou de chance de réaliser un projet de vie familial en raison de la gravité du handicap.

La question ne se pose pas du tout s’il s’agit de réaliser un projet de vie professionnel.

Il sera alors indemnisé dans le déficit fonctionnel permanent.

La question était plus délicate sur le fait de perdre une chance de se marier, de fonder une famille, d’élever des enfants…

Peut-on considérer que l’on est là dans des éléments objectivables dits fonctionnels dans des éléments qui relèvent plus d’une appréciation subjective et d’un préjudice dit d’agrément ?

La COUR DE CASSATION retient un critère objectif et estime que dans la société française de 2012 l’aspect physique peut être un critère important lorsqu’il s’agit d’évaluer les difficultés à fonder une famille.

Le préjudice d’établissement est à ce titre plus large que la seule notion de préjudice esthétique.

Au visa du principe de réparation intégral du préjudice, la COUR DE CASSATION admet la réparation du préjudice d’établissement.

2EME CHAMBRE CIVILE COUR DE CASSATION 13.01.2012 N° 11-10224.