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Newsletter 1 – janvier 2012 – Droit civil

Interprétation des contrats

La règle de l’article 1156 du Code Civil veut de rechercher la commune intention des parties contractantes et lorsqu’une clause est susceptible de deux sens de lui donner celui avec lequel elle peut avoir effet (article 1157).

Et en cas de doute ?

Le Code Civil a toujours protégé celui qui contracte l’obligation à « la convention s’interprète en faveur de celui qui a contracté l’obligation ». (Article 1162 du Code Civil).

Par exemple celui qui reçoit un chèque est présumé l’avoir reçu en paiement ou en donation et en l’absence de commencement de preuve d’un prêt celui qui en demandera le remboursement en sera débouté.

La Cour de Cassation est encore plus directe dans la relation professionnel/non professionnel ou consommateur.

Les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs s’interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non-professionnel.

Cour de Cassation, 2ème Chambre Civile, 1er juin 2011 – n° 09-72552.

Quelle parade pour un professionnel ?

  • l’obligation de se préconstituer une preuve par l’utilisation systématique de l’écrit ;
  • la rédaction de clauses claires, la complexité et le langage de spécialiste jouent contre le professionnel !
  • éviter tout déséquilibre flagrant et significatif à son profit (qui serait alors sanctionné par l’article L 132-1 du Code de la Consommation ;
  • la conscience permanente de son obligation de conseil…

Une chaine de contrats peut être mise en cause par tous les maillons

Le bon sens populaire veut que la solidité d’une chaîne soit celle du maillon le plus faible.

Ceci n’est pas valable pour les juristes.

L’action résolutoire (1610 du Code Civil) résultant d’un défaut de conformité suit les maillons par lesquels passe la chose livrée.

Pour la Cour de Cassation,

1ère Chambre Civile 20 mai 2010 n° 09-10.086.

L’action résolutoire peut être faite par le dernier acquéreur contre le vendeur intermédiaire mais aussi directement contre le vendeur originaire.

Tous les chaînons peuvent être vulnérables.

La situation se complique un peu lorsqu’un chaînon a été renforcé par une clause de non garantie. A supposer que la clause de non-garantie soit valable, elle peut faire obstacle à l’action du dernier acquéreur contre le vendeur intermédiaire. Mais le dernier acquéreur garde bien son droit à agir contre le premier chaînon, le vendeur et origine.

3ème Chambre Civile Cour de Cassation 22 juin 2011 n° 08-21.804.

L’entrepreneur (comme l’Avocat) est tenu par un délai raisonnable

Que se passe t-il quand un entrepreneur et son client ne fixent aucun délai pour exécuter des travaux ?

Si la situation est aisée à arbitrer quand un délai est prévu (sous réserve qu’il engage bien les deux parties et par exemple que le devis ait été signé), l’absence de tout délai contractuel pose un sérieux problème.

La Cour de Cassation a eu le souci de ne pas laisser de vide juridique et répond :

L’entrepreneur est soumis à l’obligation de livrer les travaux dans un délai raisonnable, même lorsque les devis ne mentionnent aucun délai d’exécution et qu’aucun planning n’a été fixé

3ème Chambre Civile 16 mars 2011 n° 10-14.051

et qui fixe le délai raisonnable ? La loi est beaucoup trop généraliste pour fixer un tel délai.

Il appartient donc au juge de première instance ou aux conseillers de la Cour (sans aucun risque de voir la Cour de Cassation venir contredire leur point de vue) de déterminer en fonction des circonstances de l’espèce ce qui est raisonnable et ce qui ne l’est pas.

La référence au bon père de famille a tout l’avenir devant elle.

Pas d’enchères et pas de surenchères sous garantie de paiement

Depuis l’ordonnance de 2006 il est acquis en matière de saisie immobilière qu’il n’est possible de se présenter aux enchères qu’avec une garantie de paiement préalable (10 % avec un minimum).

Et pour faire une surenchère ?

La Cour de Cassation aligne la solution.

« La surenchère est irrecevable à défaut de remise par le surenchérisseur d’une garantie de paiement valable ».

2ème Chambre Civile, 10 mars 2011, n° 10-15-486.

Deux ans et pas plus pour sauvegarder ses économies

Un époux ne peut employer des biens communs pour faire un apport à une société sans en avertir son conjoint et sans qu’il en soit justifié dans l’acte.

La sanction est la nullité de l’apport en application de l’article 1382-2 du Code Civil.

La Cour de Cassation a jugé que le délai pour agir était de deux ans (et pas un jour de plus) en écartant une action engagée au-delà de ce délai sur un autre fondement (l’action en inopposabilité de l’article 1421 du Code Civil).

1ère Chambre Civile 23 mars 2011 n° 09-66.512.

Fraude ou pas fraude, vous n’avez que deux ans sauf si bien entendu votre conjoint a été un « business angel » avisé, auquel cas, vous ne vous poserez pas la question… et oublierez qu’il n’avait pas eu d’autorisation.

Le banquier essaiera lui de ne pas oublier et veillera à ce que l’autorisation lui soit justifiée s’il ne veut pas courir le risque de perdre le « gage » des fonds propres de la société qu’il aura financée.

Amiante et immeubles bâtis

Le décret n° 2011-629 du 03 juin 2011 réactualise les obligations des propriétaires privés… ou publics d’immeubles bâtis susceptibles de contenir de l’amiante.

Les propriétaires ont l’obligation de faire réaliser des repérages des matériaux contenant de l’amiante (Code Santé Publique article R 1334-15 et suivants) et de procéder à un confinement ou à un retrait (CSP article R 1334-28) en cas d’empoussièrement de l’air.

Le Préfet a un pouvoir de prescription en cas d’inaction.

Deux dates à retenir :

  • le 1er février 2012 pour l’application du décret ;
  • le 1er juillet 1997 : sont concernés tous les immeubles dont le permis de construire est antérieur.

Amiante, toujours…

Si aucune obligation légale spécifique ne pesait sur un vendeur d’immeuble concernant la présence d’amiante avant la loi du 13 décembre 2000 dite SRU (elle a porté essentiellement sur le Droit de l’Urbanisme), le vendeur tenu à un devoir général de loyauté, ne pouvait dissimuler intentionnellement à son co-contractant un fait dont il avait connaissance et qui aurait conduit l’acquéreur, s’il l’avait su, à ne pas contracter ou à ne pas contracter aux mêmes conditions.

Cour de Cassation 3ème Chambre Civile 16 mars 2011 n° 10-10.503.

Une nouvelle application d’une recherche de moralisation des contrats. Le contrat n’est pas le droit pour le plus habile de tromper celui qui l’est moins !

Ce devoir général de loyauté rejoint une obligation d’information. L’aspect pré-contractuel peut engager la responsabilité au même titre que le contrat lui-même.

Ceci conduit le praticien à devoir déterminer s’il se place sur le terrain du contrat (vices du consentement ou responsabilité contractuelle) ou sur le terrain pré-contractuel (responsabilité dite délictuelle ou quasi-délictuelle).

Date d’effet du divorces entre les ex-époux : avant mais pas après

Deux dispositions s’appliquent :

  • la règle : la date d’effet est la date de l’ordonnance de non-conciliation ;
  • l’exception de l’article 262-1 du Code Civil : à la demande de l’un des époux, le juge peut fixer les effets du jugement à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter (et de collaborer condition assez souvent oubliée).

Comment les deux dispositions se combinent :

La date d’effet peut être remontée avant la date de l’ordonnance de non conciliation, jamais décalée après.

Le juge peut à la demande d’un des deux époux, fixer les effets du jugement à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer, mais cette date ne peut qu’être antérieure à celle de l’ordonnance de non conciliation.

Cour de Cassation, 1ère Chambre Civile, 18 mai 2011, n° 10-17.445.

Le locataire à une deuxième chance pour demander des délais

Dans un bail d’habitation classique (soumis à la loi dite du 06 juillet 1989) le locataire qui ne paie pas son loyer va subir le jeu de la clause dite résolutoire, un commandement de payer à l’expiration du délai de un mois.

Il peut pendant cette période de un mois demander des délais de paiement.

Mais la Cour de Cassation dit qu’il peut aussi ne les demander qu’après, tant que la décision d’expulsion n’a pas été prise.

Aucun délai, aux termes de l’article 24 de la loi du 06 juillet 1989 dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 1998, n’est imposée au preneur pour saisir le juge d’une demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire.

Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 12 février 2011, n° 10-14.945.

Divorce marocain

Pendant longtemps les Tribunaux ont eu une conception très stricte de l’ordre public juridique Français et répugnaient à reconnaître les jugements étrangers (l’exéquatur est le nom de la procédure qui leur donne un effet juridique en FRANCE). L’exemple classique était le Droit du divorce notamment à l’égard de systèmes juridiques acceptant le divorce répudiation.

Ceci évolue en fonction des conventions internationales et de l’évolution de l’organisation juridique de ces pays. De là à penser que les droits de l’épouse sont vraiment protégés…

« Ayant relevé, d’une part, que les époux ayant la nationalité marocaine, le mari peut saisir la juridiction marocaine d’une demande en divorce en application de l’article 11 de la Convention franco-marocaine du 10 août 1981, d’autre part que le divorce prononcé est un divorce pour discorde de l’article 97 du Code de la Famille marocain, une Cour d’Appel peut en déduire, le jugement n’ayant pas été obtenu par fraude et l’époux ayant légitimement pu souhaiter divorcer devant les juridictions marocaines, que la décision étrangère, qui ne constate pas une répudiation unilatérale, peut être transcrite sur le registre de l’état civil ».

Cour de Cassation, 1ère Chambre Civile, 23 février 2011, n° 10-14.760.

Plus-value et régime matrimonial de séparation des biens

Comment se calcule la contre-partie de l’apport dont bénéficie le patrimoine propre d’un époux ?

La règle bien connue est celle du profit subsistant.

Au sens de l’article 1469, alinéa 3, du Code Civil, le profit subsistant résulte de la différence entre la valeur actuelle du bien que la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver et à améliorer, qui se retrouve, au jour de la liquidation, dans le patrimoine emprunteur, et celle qu’il aurait eue si la dépense n’avait pas été faite.

Logique.

Ce qui est moins connu est que la règle peut aussi jouer en matière de séparation de biens sous une condition précise.

« Lorsqu’un époux séparé de biens, dont la collaboration sans rémunération, à l’activité de l’autre a servi à acquérir, conserver ou améliorer un bien figurant dans le patrimoine de ce dernier au jour de la liquidation du régime matrimonial, réclame une partie de la plus-value réalisée par le bien, l’indemnité due doit être évaluée selon les règles prescrites par l’article 1469 du Code Civil… ».

Cour de Cassation, 1ère Chambre Civile, 23 février 2011, n° 09-70.745.

La preuve n’est pas aisée à apporter. Mais le régime de la séparation de biens n’écarte pas totalement, contrairement à sa réputation, l’établissement d’une créance contre un ex-époux.

Les réceptions distinctes et successives existent

Une construction est généralement une opération unique. Chacun connaît l’importance de la réception qui va faire courir les délais de garantie et purger, à si elle intervient sans réserves, les désordres dits apparents. Il est permis de penser que la réception est toujours unique.

La Cour de Cassation a répondu à la négative à la Cour d’Appel de TOULOUSE qui le pensait dans une hypothèse à paliers !

« Viole les articles 1792 et 2270 du Code Civil (la fameuse réception décennale) une Cour d’Appel qui retient que c’est à partir de la date de réception des travaux de stabilisation pris dans leur ensemble que court la garantie décennale du constructeur, alors qu’elle avait constaté que la réparation des désordres était intervenue selon des paliers successifs ayant fait l’objet de réceptions distinctes ».

La Cour de TOULOUSE a dû être surprise de cette solution et constaté que le mieux était l’ennemi du lieu. Il eût suffit que la Cour d’Appel donne moins de précisions sur son raisonnement pour ne plus encourir les foudres de la juridiction suprême.

L’assurance dommage obligatoire ne l’est vraiment pas

L’assurance dommages obligatoire dite DO ne l’a jamais été. L’article L 242-1 du Code des Assurances n’a pas prévu de sanctions.

La pratique a essayé d’en trouver une en posant la question de savoir si elle constituerait la condition nécessaire d’une vente.

La réponse est négative.

Le défaut de souscription de l’assurance de dommages obligatoire prévue par l’article L 242-1 du Code des Assurances, laquelle n’est pas un accessoire indispensable de l’immeuble vendu, ni empêche pas la vente de l’ouvrage.

Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile 02 mars 2011, n° 09-72-576.

Est-ce que cela clôt le sujet ? Oui, dans les rapports vendeur-acheteur. Non probablement dans les relations acheteur/intermédiaire/notaire si ces derniers n’ont pas pris la précaution de décharger leur obligation de conseil en mentionnant dans l’acte l’absence d’assurance DO.

Le notaire a une quasi obligation de résultat en matière de suretés

Il doit effectuer toutes les diligences nécessaires.

Le notaire est tenu de prendre toutes dispositions utiles pour assurer la validité et l’efficacité des actes auxquels il prête son concours ou qu’il a reçu mandat d’accomplir.

Les avocats sont soumis à la même obligation lorsqu’ils négocient un accord ou établissent, innovation récente, un acte dit « sous-seing d’avocat ».

Cette obligation joue en particulier en matière de sûretés dont le créancier a voulu s’entourer.

Ainsi le notaire engage sa responsabilité, même à l’égard d’un professionnel à l’instar d’un banquier, lorsqu’il ne veille pas à l’accomplissement des formalités nécessaires à la mise en place des sûretés qui en garantissent l’exécution.

Cour de Cassation, 1ère Chambre Civile 03 mars 2011, n° 09-16.091.

Cette solution est très classique et a été appliquée dans le cas précis à un notaire ayant remis les sommes empruntées aux emprunteurs sans désintéresser les créanciers hypothécaires inscrit alors que le préteur avait voulu être en premier rang !

La pratique est très attachée à cette obligation de sécurité à la charge des notaires. Il serait sot d’y lier une crispation entre avocat et notaire. C’est une nécessité de la vie des affaires.

Trouver de l’eau est difficile même pour les juristes

La Cour de Cassation, 1ère Chambre Civile, 03 mars 2011, n° 09-70.754, examine la société de forage qui n’a pas trouvé d’eau.

« Il n’incombe pas à une société de forage qui est exclusivement chargée de travaux de forage et qui ne garantit pas la présence d’eau dans le sous-sol du terrain de se renseigner sur le niveau de la nappe phréatique ».

Il serait intéressant de connaître le contrat applicable tant en l’absence de clauses particulières d’exonération, cette solution ne connaît pas.

Que la société soit chargée du forage, oui !

Que cela soit sa mission exclusive et que son client ne compte pas sur elle pour trouver de l’eau, non !

Il peut être entendu qu’il n’y ait pas d’obligation de résultat. Mais la société de forage est un professionnel et comme tout professionnel a une obligation de conseil. Se renseigner sur le niveau de la nappe phréatique aurait pu être considéré comme relevant de l’exécution de l’obligation de conseil.

La Cour de Cassation donne sa solution en soutenant que ce n’était pas dans le contrat. Cette solution a tout d’une girouette.

Ou alors c’est une manière de conseiller aux parties de s’adresser au sourcier de nos villages !

Le RMI n’échappe pas à la prestation compensatoire

La Cour de Cassation a confirmé un écrit de la Cour de Toulouse en énonçant que le RMI (RSA aujourd’hui) perçu par un époux constitue une ressource qu’une Cour d’Appel, statuant sur une demande de prestation compensatoire, doit prendre en considération.

Cour de Cassation, 1ère Chambre Civile 09 mars 2011, n° 10-11-053.

Techniquement cette décision est justifiée : Le RMI est une ressource.

Il est permis d’exprimer un malaise. Le RMI est une ressource provisoire dont la durée est peu compatible avec une obligation de longue durée comme la prestation compensatoire.

Et peut-on chercher une disparité de niveau de vie dans un couple séparé où l’un des deux a le      « privilège » malheureux d’être titulaire du RMI ? Non.

Ou alors il convient de lire l’arrêt à rebours : le fait de recevoir le RMI réduirait l’obligation à prestation compensatoire de l’ex-époux un tout petit peu plus fortuné.

Ce type de débat montre bien les limites des équilibres devant être trouvés par les Juges aux Affaires Familiales.

Habiter ou travailler, mais habiter un peu

La loi du 06 juillet 1989 protège les locataires d’immeubles à usage d’habitation. Elle s’applique aussi aux baux mixtes professionnels et d’habitation à une condition minimale… de bon sens qu’il y ait habitation.

Si le locataire n’a pas l’obligation d’utiliser les lieux à chacun des usages prévus par la convention, il doit justifier d’une habitation mais partielle s’il veut se prévaloir du droit au renouvellement du contrat que confrère la loi de 1989 à celui qui habite les lieux loués.

Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 09 mars 2011, n° 10-30.223.

Soyez habitant, au moins un peu…

Si vous pouvez par contre ne pas y travailler du tout.