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Newsletter 2 – février 2012 – Droit commercial

Le triste sort du co-contractant du failli

Les textes changent mais son sort ne change pas. Quelle est la situation du co-contractant dont le partenaire est en redressement judiciaire ou liquidation et n’a pas exécuté ses engagements antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective ?

Désespérément triste : il peut simplement déclarer sa créance au passif et reste tenu de l’exécution de ses propres engagements. Il sait que les engagements à son égard ne seront pas tenus et doit tenir les siens parce que ceux-ci sont revendiqués au nom de la collectivité des créanciers (même si la notion de masse des créanciers n’existe plus).

Le co-contractant du failli ne peut pas invoquer l’exception dite d’inexécution de l’article 1184 du Code Civil pour ne pas exécuter sa part du marché.

L’article 622-13 du Code de Commerce est impitoyable en son 2ème alinéa.

Et la Cour de Cassation sanctionne toute décision des Cours d’Appel qui tenteraient d’ouvrir  un chemin à l’exception d’inexécution dans ce cadre.

Cour de Cassation, Chambre Commerciale 28 juin 2011, n° 10-19.463.

La saisie-attribution résiste aux procédures collectives

Heureux créancier disposant d’un titre exécutoire dont le débiteur commerçant manifeste des faiblesses. Surtout penser à la saisie-attribution (la saisie d’une créance mobilière et en particulier d’un compte bancaire sous réserve du crédit du compte !).

Elle a deux avantages fondamentaux. Le premier est le prix de la course : premier présent, premier servi. Le premier créancier se présentant chez le tiers détenteur (banquier gestionnaire du compte dans l’exemple plus haut) prend tout dans la limite du disponible et de sa propre créance. Peu importe que des créanciers plus importants se présentant une heure après. Ils auront ce qui restera.

Le deuxième avantage est celui de l’effet immédiat. Le procès-verbal de saisie-attribution transfère le bénéfice du crédit lorsqu’il existe au créancier. C’est le seul cas où l’ouverture d’une procédure collective le lendemain ne remet rien en cause (sauf cas particulier de contestation du débiteur admise au fond par le Juge de l’Exécution).

La Cour de Cassation rend presque heureux le créancier en disant ceci : la saisie-attribution emportant attribution immédiate des sommes saisies, la survenance du jugement d’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ne remet pas en cause cette attribution et, dès lors, la créance ayant fait l’objet de la saisie est définitivement sortie du patrimoine du débiteur et elle n’a donc pas à être déclarée.

Cour de Cassation, Chambre Commerciale, n° 10-16155.

Association et confusion de patrimoine

Comme les commerçants et industriels, les professionnels libéraux mais aussi les associations peuvent être soumis à ouverture d’une procédure collective.

Et l’association comme une société commerciale peut être soumise à extension de la procédure.

Le liquidateur d’une association peut demander l’extension de la procédure aux dirigeants pour confusion du patrimoine.

C’est le cas lorsqu’il y a confusion du patrimoine et ce que la jurisprudence appelle pudiquement « des flux financiers anormaux ».

Cour de Cassation, Chambre Commerciale, 05 avril 2011, n° 10-16496.

L’application la plus classique est celle de la confusion des comptes personnels et des comptes de l’association. Raisonnable/non raisonnable, normal/anormal c’est tout l’art du Juge, sa mission, de définir et moraliser… sans sanctionner à l’excès. Et là, la Cour de Cassation se garde bien de contrôler l’appréciation des premiers juges.

La protection du patrimoine du dirigeant

Le législateur se préoccupe de cette protection avec l’idée que le dirigeant faisant de mauvaises affaires ne devrait pas tout perdre afin de ne pas dissuader de se lancer dans l’entreprenariat.

Noble idée à laquelle il peut être opposé que cela revient à priver son entreprise d’un crédit supplémentaire.

Plus le débiteur reçoit de garanties et plus celui qui aurait vocation à prêter en sera dissuadé asséchant les circuits économiques.

Cette question est éternelle et l’observateur patient peut suivre les cycles : protection du débiteur qui conduit après excès à rechercher une meilleure protection du créancier qui…

Le meilleur parallèle est celui de l’industrie de la banque qui ne jure que par la banque de détail avant de ne jurer que par la banque d’affaires puis de revenir à la banque de détail puis de…

Ceci a conduit le législateur à créer un ovni d’EIRL (entreprise individuelle à responsabilité limitée) dont les avocats ont plutôt tendance à conseiller à leurs clients de se méfier.

Et ils conseillent plutôt de revenir à une solution plus ancienne : la déclaration notariée d’insaisissabilité.

La Cour de Cassation vient de lui donner un bain de jouvence en affirmant, dans un arrêt de principe, que la déclaration notariée d’insaisissabilité effectuée avant le jugement d’ouverture résiste bien à la procédure collective. Elle est dite « opposable au liquidateur ».

Cour de Cassation. Chambre Commerciale 28 juin 2011, n° 10-15482.

La sauvegarde de justice favorisée

Le législateur a fait de gros efforts dans la foulée de l’administration générale pour le système Américain dit de l’article 11 (chapter cleven) pour permettre aux entreprises d’aller demander l’assistance des Tribunaux de commerce avant que la situation soit irrémédiable.

C’est une bonne solution pour les praticiens.

Un Tribunal de Commerce a aujourd’hui une palette de solutions du mandat ad hoc à la conciliation et à la sauvegarde de justice à la disposition du commerçant en difficulté sans recourir au redressement judiciaire et à la législation du même nom.

La Cour de Cassation « joue le jeu » de la sauvegarde de justice en cassant le 08 mars 2011 l’arrêt d’une Cour qui avait introduit une condition de bonne foi.

« Hors le cas de fraude, l’ouverture de la procédure de sauvegarde ne peut être refusée au débiteur au motif qu’il chercherait ainsi à échapper à ses obligations contractuelles, dès lors qu’il justifie par ailleurs, de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter et qui sont de nature à le conduire à la cessation du paiement ».

Le repentir doit être sincère

Se repentir ne veut pas dire se flageller.

Le Droit connaît le repentir notamment dans le domaine des baux commerciaux.

Celui qui se repend est tout sauf généreux.

Après avoir refusé le renouvellement du bail, il se repend pour ne pas avoir à payer l’indemnité d’éviction plus lourde qu’il ne l’avait imaginé au locataire évincé.

S’il n’est pas généreux, le repentir doit être sincère et total.

« Le droit de repentir qui est assorti de réserves est dépourvu de caractère irrévocable et n’est pas valablement exercé ».

La relation entre Droit et morale est un… vieux débat.

Le feuilleton du cautionnement

L’avocat doit suivre tous les épisodes et en garder la trace. L’avocat du banquier titulaire des cautions a le sentiment d’être au moins installé au dernier poste écopant en permanence toutes les voies d possibles. Et c’est assez efficace.

La Cour de Cassation le dit à sa manière en rajoutant un épisode en feuilleton.

« L’engagement de caution solidaire souscrit dans le respect des dispositions de l’article L 341-2 du Code de la Consommation ne comportant pas la mention manuscrite exigée par l’article L 341-3 dudit Code, demeure valable en tant que cautionnement simple ».

Cour de Cassation, Chambre Commerciale, 08 mars 2011, n° 10-10.699

La caution du débiteur en liquidation judiciaire ne peut invoquer la forclusion

La forclusion du créancier qui n’a pas déclaré sa créance dans le délai est frappé de forclusion : il sera privé de tout dividende ou de toute répartition (si rare dans la pratique) mais pas de son action contre la caution.

La loi de 2005 (article L 622-26 alinéa 1 du Code de Commerce) a abandonné la règle de l’extinction des créances non déclarées à l’égard de la caution.

La Cour de Cassation l’a réaffirmé avec solennité (la solennité se traduit par la publication dans le Bulletin de la Cour de Cassation – une par quinzaine – et dans son rapport annuel) :

Cour de Cassation, Chambre Commerciale 12 juillet 2011 n° 09-71.113.

La Haute Juridiction explique que la forclusion, sanction du défaut de déclaration de créances, n’est pas une « exception inhérente à la dette, susceptible d’être opposée par la caution, pour se soustraire à son engagement ».

Le créancier forclos peut donc agir en paiement contre la caution. Mais L 622-26 alinéa 2 du Code de Commerce limite au cas du débiteur en liquidation judiciaire.

Pas de compensation pour connexité sans déclaration de créance

La connexité est une notion de Droit dont on ne se souvient que quand s’ouvre une procédure collective.

La connexité est le seul cas permettant à un créancier d’échapper au triste sort commun, l’égalité des créanciers.

Lorsque A est créancier de B qui fait l’objet d’une procédure collective et que B peut également formuler une revendication à l’égard de A parce que les créances sont dites liées ou connexes ou ont un lien suffisant, la compensation peut alors être prononcée à due concurrence.

Et la compensation est un mode de paiement.

Si le débat fait rage quant à la définition de la connexité, il est au moins un point sur lequel la solution est tranchée : vous ne pouvez opposer la compensation entre des créances connexes qu’à la condition d’avoir effectué votre déclaration de créance lors de l’ouverture de la procédure collective.

La déclaration de la créance destinée à être compensée est une condition absolue de la faveur octroyée au créancier par l’article L 622-7 du Code de Commerce.

La Cour de Cassation veille à son application :

Cour de Cassation Chambre Commerciale 03 mai 2011, n° 10-16.758.

Préavis double pour une marque de distributeur

La prise en compte des situations dites de dépendance économique est une avancée considérable du Droit de ces 20 dernières années.

Connue du Droit Bancaire avec les délais par exemple pour mettre fin à une convention de compte courant, cette logique a gagné tout le monde commercial. En cas de rupture d’une relation commerciale établie, une durée minimale de préavis va être nécessaire pour permettre au co-contractant de se réorganiser.

Ce délai peut être prévu soit contractuellement, soit par des usages professionnels, soit par l’équilibre trouvé par la jurisprudence.

Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits vendus sous marque de distributeur, la logique de dépendance économique est encore plus forte puisque le client ne connaît pas le producteur.

La Cour de Cassation (arrêt du 07 juin 2011) veille à l’application de cette spécificité. La durée minimale de préavis est doublée lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur en application de l’article L 442-6-1-5 du Code de Commerce.