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Newsletter 3 – mars 2012 – Droit public

Le R.S.A. est bien du droit public et non social

C’est la loi qui a confié aux juridictions administratives (et non au Tribunal des Affaires Sociales) le contentieux dit de pleine juridiction relatif au R.S.A. (Revenu de Solidarité Active).

Ceci s’explique par le caractère public de l’autorité attributrice : le Président du Conseil Général.

Conformément à une règle qui tend à se généraliser en Droit public et qui porte le doux nom de RAPO (cet acronyme signifie recours administratif préalable obligatoire), un recours préalable doit être fait auprès du Président du Conseil Général avant de saisir le juge administratif.

Quels sont ses pouvoirs ? totaux.

Le juge administratif a compétence non seulement pour apprécier la légalité de la décision mais aussi pour se prononcer sur la demande elle-même.

Conseil d’Etat 23 mai 2011 n° 344970.

Le droit du premier installé résiste à la Q.P.C.

Les débats entre riverains et activités économiques ou de services publics font les malheurs de nombreux entrepreneurs ou gestionnaires publics.

Chacun sait que le phénomène dit NIMBY ne se limite pas au monde Anglo-Saxon.

Et nos cabinets ont développé une véritable expertise du trouble de voisinage dont nous saisissons tantôt en demande, tantôt en défense, des magistrats.

Le législateur s’est est ému et a intégré dans le Cade de la Construction et de l’Habitation (et oui, tout n’est pas dans le Code Civil ou le Code de l’Environnement ou le Code de l’Urbanisme !) un article L 112-16 qui protège le premier installé, du moins à partir du moment où il respecte les normes d’aujourd’hui.

Un plaideur a eu l’idée astucieuse de soutenir que ce texte n’était pas constitutionnel au regard de la charte de l’environnement depuis adopté. L’idée était que le texte conduisait à une inégalité de traitement suivant que l’activité intégrée était première ou seconde.

La Cour de Cassation a jugé la question sérieuse et a saisi de cette QPC (question préalable de constitutionnalité) le Conseil Constitutionnel.

Celui-ci a maintenu la règle.

Conseil Constitutionnel 08 avril 2011 n° 2011-116 QPC.

La solution est la suivante :

L’article 112-16 du Code de la Construction et de l’Habitation interdit à une personne s’estimant victime d’un troubla anormal de voisinage d’engager, sur ce fondement, la responsabilité de l’auteur des nuisances dues à une activité agricole, industrielle, artisanale, commerciale ou aéronautique lorsque cette activité, antérieure à sa propre installation, a été créée et se poursuit dans le respect des dispositions législatives ou règlementaires en vigueur et, en particulier, de celles qui tendent à la protection de l’environnement.

Cette disposition ne fait pas obstacle à une action en responsabilité fondée sur la faute. Dans ces conditions l’article L 112-16 du Code de la Construction et de l’Habitation ne méconnaît ni le principe de responsabilité, ni les droits et obligations qui résultent des articles 1 à 4 de la charte de l’environnement.

Le contentieux de la transfusion sanguine est bien du droit public

Le contentieux lié à la transfusion sanguine a été important. L’émergence de l’Etablissement Français du Sang, la stabilisation des solutions juridiques notamment sur l’application des conventions d’assurances et la qualité du travail médical ont mis fin à l’essentiel de ce contentieux.

Signal supplémentaire du caractère national et régalien du système Français de transfusion, son contentieux relève des juridictions administratives.

L’article 15 de l’ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005 a disposé que les demandes tendant à l’indemnisation des dommages résultant de la fourniture de produits sanguins relèvent de la compétence des juridictions administratives, quelle que soit la date à laquelle est intervenu le fait générateur des dommages.

Le Tribunal des Conflits a eu à se pencher sur le sort des instances introduites avant le 02 septembre 2005.

Elles sont restées devant les juridictions alors compétences à condition que la demande d’indemnisation ait été formulée.

Si seule une expertise médicale avait été ordonnée avant le 02 septembre 2005 toute demande postérieure relève bien des Tribunaux Administratifs.

Tribunal des Conflits du 28 février 2011 n° 11-03.750.

Cette décision va aussi dans le sens de la spécialisation progressive des Tribunaux.

Expropriation pour cause d’utilité publique et revendication

Si les juridictions administratives sont juges de l’utilité publique, les juridictions civiles le sont du dessaisissement et de la fixation d’une indemnité.

La Cour de Cassation a eu à rétablir l’application de la règle de Droit dans une hypothèse où il est difficile de comprendre quelle avait pu être la motivation de la Cour d’Appel d’AIX dont l’arrêt a été cassé.

« Viole l’article 12-2 du Code de l’Expropriation, aux termes duquel l’ordonnance d’expropriation éteint par elle-même et à sa date tous droits réels et personnels existants sur les immeubles expropriés, la Cour d’Appel qui accueille l’action en revendication d’une partie d’une parcelle expropriée introduite par une personne qui figurait sur l’état parcellaire annexé à l’ordonnance prononçant le transfert de propriété et en avait reçu notification, sans avoir exercé aucune voie de recours à son encontre ».

(Cass. 3ème Ch. Civile 02 mars 2011 n° 15-15.547).

Le règlement national d’urbanisme l’emporte sur la carte communale

Si une Commune avait encore un doute quant à l’intérêt d’élaborer un PLU, le Conseil d’Etat vient de lui enlever.

Jusque là, tout le monde s’accordait sur le fait que le Règlement National d’Urbanisme ne s’appliquait pas quand une Commune était dotée d’un document d’urbanisme. L’avantage est important. Le Règlement National d’Urbanisme par exemple ne prévoit qu’une constructibilité limitée. Un terrain n’est pas a priori constructible. Il ne l’est que parce qu’il répond aux différents critères.

Le Règlement National d’Urbanisme n’est pas applicable quand un PLU a été arrêté. Mais une carte d’urbanisme avait ainsi cet effet du moins si son règlement comprenait des éléments aussi précis ou équivalents à ceux du Règlement National d’Urbanisme.

Plus besoin de vérifier dans le détail si équivalence ou non. Le Conseil d’Etat dénie à la carte communale de constituer un document d’urbanisme au sens de l’article R 111-1 du Code de l’Urbanisme. Le Règlement National d’Urbanisme est seul applicable dans la Commune (R 111-18 du même Code).

Conseil d’Etat 13 juillet 2011 n° 335066 Ministère de l’Ecologie.

La rédaction du Conseil d’Etat est dénuée de toute ambiguïté : « il résulte des dispositions combinées des articles L 124-1 et R 124-3 du Code de l’Urbanisme que les règles générales d’urbanisme définies aux articles R 111-1 et suivants du Code de l’Urbanisme sont applicables aux territoires couverts par une carte communale et que les permis de construire y sont instruits et délivrés sur le fondement de ces règles ; qui, par suite, les cartes communales ne constituent pas, au sens de l’article R 111-1 précité, des documents d’urbanisme tenant bien du plan local d’urbanisme   dans le périmètre duquel les règles générales d’urbanisme ne s’appliquent pas ».

Le défaut d’information du patient n’entraine pas toujours un préjudice

La Cour de Cassation et le Conseil d’Etat ont fait de gros efforts, non pour réunir deux Droits différents dans leur construction, mais pour faire converger leurs solutions.

Le Droit Médical est un exemple pour partie inverse.

La Cour de Cassation et le Conseil d’Etat ont la même définition du devoir d’information des médecins et une appréciation différente du lien de causalité avec le préjudice.

Même règle pour l’obligation d’information :

« Lorsque l’acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l’art, comporte des risques connus de décès ou d’invalidité, le patient doit être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que si cette information n’est pas reprise en cas d’urgence, d’impossibilité ou de refus du patient d’être informé, la seule circonstance pour les risques ne se réalisent qu’exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leurs obligations ».

Conseil d’Etat 11 juillet 2011 n° 318183.

Le Tribunal Administratif de TOULOUSE a, à de nombreuses reprises, jugé que le respect de cette obligation de conseil ou d’information devait être démontré par le médecin ou par l’hôpital qui l’emploie.

Son affirmation « je vous ai dit que… » ne suffit pas.

La règle civile est exactement la même.

La différence est dans le deuxième temps de raisonnement : le défaut d’information entraîne t-il un préjudice ?

L’arrêt ci-dessus du Conseil d’Etat précise que « un manquement des médecins à leur obligation d’information n’engage la responsabilité de l’hôpital que dans la mesure où il a privé le patient de la possibilité de se soustraire au risque lié à l’intervention ».

S’il n’y a pas d’alternative médicale, en tous cas moins risquée, il n’y a pas de préjudice.

Pour la Cour de Cassation peu importe. Le manquement à l’obligation d’information entraîne toujours un préjudice.

Le patient n’a pas été mis en mesure d’avoir conscience de, de décider que, de se préparer à. Même si correctement informé, il aurait choisi la solution proposée par ses médecins parce qu’il n’y en avait pas d’autres, le principe du préjudice existe. L’existence d’alternative ou l’étendue des conséquences viendront bien sûr jouer sur son montant.

Pour le patient, il sera difficile de comprendre pourquoi une opération dans un hôpital ou dans une clinique ne seront pas soumises à la même règle !

La protection fonctionnelle d'un agent public est un principe général du droit

Le Conseil d’Etat rappelle que lorsqu’un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité publique dont il dépend, de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l’objet de poursuites pénales, sauf s’il a commis une faute personnelle.

Ce principe est issu du statut général de la fonction publique que cela soit pour l’Etat ou les Collectivités territoriales.

Conseil d’Etat 08 juin 2011 n° 312700.

Qu’apporte cet arrêt par rapport au principe général du Droit précité ?

Il précise que cette règle joue également dans les Chambres de Commerce et d’Industrie et que son Président a également le statut d’agent public en raison de ses fonctions.

La solution donnée est que le Président d’une Chambre de Commerce et d’Industrie poursuivit pénalement a droit à la protection juridique… de sa Chambre. Autrement dit, les frais et honoraires de sa défense pénale seront à la charge de l’organisme.

Rappelons que ce principe de protection joue également lorsqu’un agent public est en situation de victime.

Un agent de l’Etat comme un agent d’une Commune ou d’un Département peuvent demander la protection de leur Collectivité lorsqu’ils sont victimes d’une infraction. Ce sera le cas, par exemple pour des violences ou des insultes et autres menaces. L’expérience montre que cette situation est malheureusement très fréquente.

Pas de délai pour l'expulsion des gens du voyage

La Cour d’Appel de LYON dans un arrêt du 10 mai 2011 (8ème Chambre, n° 10/07971) a pris une position tonique sur ce sujet difficile.

Dans cette affaire, un campement de Roms avait été établi sur un terrain à usage de parking appartenant à la communauté urbaine de LYON.

Celle-ci avait demandé l’expulsion. Le Juge des référés de LYON avait fait droit à la demande d’expulsion des occupants du terrain mais avait sorti sa décision d’une mention suivant laquelle l’expulsion ne pourrait avoir lieu avant un délai de trois mois après la signification de la décision.

La Cour d’Appel a réformé l’ordonnance en estimant qu’il ne pouvait pas y avoir de délai.

La solution est originale non pas sur le principe mais sur sa motivation.

Sur le principe, la Cour d’Appel indique comme le premier Juge de manière classique, que l’occupation non autorisée d’un terrain est constitutive d’une atteinte manifestement illicite au droit de propriété.

A ce titre, le Juge doit ordonner l’expulsion des occupants.

La question de savoir si le Juge peut accorder des délais ou aménager sa décision est assez différente.

Plusieurs textes prévoient cela en matière d’expulsion.

La Cour d’Appel de LYON a écarté la référence à l’article L 613-1 du Code de la Construction qui est réservé aux occupants de locaux d’habitation comme il a écarté les dispositions de l’article 62 de la loi du 09 juillet 1991 propres à l’expulsion d’une personne de son habitation principale (la loi de 1991 est celle qui régit la matière de l’exécution au sens large).

Pour la Cour d’Appel, les gens du voyage ne sont donc pas des habitants au sens de titulaires d’une habitation principale.

L’originalité de la position de la Cour d’Appel de LYON est dans la stricte application de séparation des pouvoirs réalisée entre la juridiction civile qu’elle représente et la juridiction administrative. L’aménagement de l’expulsion, à savoir des délais, signifierait que le Magistrat estime que pendant un certain nombre de jours, de semaines ou de mois, il est opportun que le bien public soit affecté à l’accueil des gens du voyage plutôt qu’à l’utilité publique traditionnelle du terrain, dans le cas précis un parking.

La Cour de LYON innove en indiquant que si le Juge des référés accorde des délais en se prononçant sur cette utilité relative, cela conduit le Juge des référés à se prononcer en opportunité sur l’utilité que présente ce terrain pour la collectivité publique.

C’est la question du jugement porté sur la politique de la collectivité publique qui est alors en débat et logiquement la Cour d’Appel de LYON estime que le Juge civil ne peut en aucun cas, sauf à enfreindre la règle de séparation des pouvoirs, porter une appréciation qui relèverait de la seule appréciation de la juridiction administrative.

C’est donc sans fondement légal.

Autrement dit, accorder un délai pour quitter les lieux n’aurait pas de support légal.

Cette approche un peu nouvelle sera perçue par les élus locaux comme un soutien à leur action.

Elle ne doit pas cependant être exagérée.

Si la décision du Juge des référés d’accorder des délais était fondée sur un motif social démontré ou sur la référence au maintien de l’ordre public, il serait alors probablement difficile à la collectivité de faire infirmer une décision qui accorderait des délais.

Comme souvent dans la définition d’une solution d’équilibre que représente une décision de Justice, l’amplitude du délai joue.

Il est possible que la Cour d’Appel de LYON n’ait pas infirmé la même décision si celle-ci s’était contentée d’accorder un délai d’un jour, deux jours, voire trois.

Pôle emploi n'a pas de chance

PÔLE EMPLOI exerce un métier particulièrement difficile et est souvent la cible des critiques. Le Droit n’offre aucun réconfort à PÔLE EMPLOI.

Lors de la fusion des activités emploi de l’UNEDIC, des ASSEDIC et de l’ANPE, le législateur a créé un être hybride.

La loi n° 2008-126 du 13 février 2008 relative à la réforme du service public de l’emploi a créé, « une institution nationale publique dotée de la personne morale ». C’est un établissement public administratif et à ce titre, il relève du Droit Public Administratif.

Mais le législateur a décidé que les salariés de PÔLE EMPLOI relevaient du Droit Privé.

Quand on sait que le système français est basé sur la séparation des pouvoirs et que le Juge judiciaire (à l’exception du Juge pénal) ne peut s’ériger en Juge de la régularité des actes administratifs, le partage des compétences donnera lieu à des débats.

La Chambre Sociale de la Cour de Cassation (arrêt du 05 janvier 2011, pourvoi n° 10-21.445) a déjà eu l’occasion de statuer sur la régularité de la consultation des institutions représentatives du personnel.

La question des relations avec les salariés relève très clairement du Droit Privé. Ceci concerne également la consultation des institutions représentatives du personnel.

Mais dans le cas particulier, la question soumise à débat concernait l’organisation interne du service public de PÔLE EMPLOI.

La Chambre Sociale de la Cour de Cassation a, dans le cas précis, indiqué que si les règles de Droit Privé s’appliquent bien aux relations collectives des agents de l’institution, l’appréciation des mesures structurelles d’organisation de ce service public reste de la seule compétence du Juge Administratif.

Ce type de débat est susceptible de se poser pour les S.P.L., les Sociétés Publiques Locales qui paraissent promises au plus bel avenir.